La fin des médicaments de la rue ce n’est pas pour demain
L’état et les pharmacies sont en guerre contre ces vendeurs de médicaments de la rue. Chaque année de nouveaux thèmes sont choisis pour dissuader les populations d’aller se ravitailler dans la rue.
Marché mokolo puis marché central, des vendeurs de remèdes de la rue s’installent peu à peu, il est 8heures. Certains ont des comptoirs fixes qui sont ornés de cartons de remèdes vides, d’autres ont des caisses dont les couvercles portent certains échantillons de médicaments. Un constat frappe à l’œil, ce sont ceux du paracétamol qui sont plus présents, les camerounais sont-ils des grandes victimes de maux de tête ?
Durant mon parcours, ces vendeurs sont réticents et méfiants face à mes questions mais j’apprends de certains qu’ils se ravitaillent chez les délégués médicaux, la CENAME, Pharmacam ; etc. A part les vaccins et les sérums dont la conservation nécessite un réfrigérateur, on retrouve toute sorte de médicaments. Certains d’entre eux qui choisissent la facilité entrent dans des réseaux mafieux où ils se servent de n’importe quelle poudre et colorants pour faire des comprimés ou encore font des commandes dans des pays comme Dubaï, l’inde ou le Nigéria pour obtenir des médicaments contrefaits.
À l’arrivée d’un client, ils lui demandent son ordonnance pour sélectionner les remèdes, mais en cas d’absence de ce document, ils répondent quand même aux besoins des clients. Il arrive qu’ils se basent sur les symptômes que le malade décrit pour prescrire un produit, mais certains me confient que « quand il s’agit d’un enfant c’est très délicat, je demande souvent si le parent a fait des examens sinon je le lui conseille, s’il insiste je joue sur mon expérience ».La plupart de ses vendeurs sont en contact avec des centres de santé ou des cliniques où ils envoient les malades faire des examens à moindre coût (parfois ils ont actionnaires dans ces cliniques et ont des pourcentages sur les examens réalisés). Le fait que de nombreux vendeurs sont derrière les barreaux fait qu’ils refusent de faire des injections (ile me le disent mais le font de manière officieuse).
Les profils des vendeurs diffèrent d’un étudiant qui a fait des études de médecine, qui a déjà vendu dans une pharmacie ou dans un centre de santé à celui qui n’a aucune formation et est entré dans ce business par l’intermédiaire d’un frère ou d’une connaissance. S’agissant des clients leurs avis sont clairs « c’est moins cher », « je n’ai jamais eu de problèmes depuis que j’achète les remèdes ici ». Tout est donc une question de prix car les clients trouvent les médicaments des pharmacies chers. La raison d’une telle différence de prix s’explique part le fait que les patrons de pharmacies ont non seulement des loyers et des employés à payer, mais aussi des gains à faire. La plupart des pharmaciens ayant constaté que le fait de ne pas vendre les médicaments génériques leur causait un véritable manque à gagner n’ont pas eu d’autres options que de se lancer dans ce commerce. Seulement, le gouvernement ne s’est pas impliqué pour homologuer les prix des médicaments dans les pharmacies. Cette omission fait que l’on peut trouver un produit à 5000FCFA dans une pharmacie et à 7000FCFA dans une autre.
Pour ce qui est de la conservation, ils respectent les températures et repartissent les médicaments par catégorie c’est-à-dire que les comprimés sont mis ensemble, les sirops, les gélules, les poudres, etc. Quant au contrôle de la date de péremption la majorité d’entre eux tiennent des registres où sont enregistrés les noms des différents produits, la date de fabrication, la date de péremption. Ils s’efforcent de les contrôler chaque mois ainsi que ceux qui sont retirés de la circulation par le ministère de la santé.
Les clients sont des personnes de classe moyenne ou pauvres, des laborantins, des infirmières d’établissements scolaires, etc. Ces vendeurs disent d’en sortir car les gains journaliers oscillent entre 15000 et 25000FCFA. À cause de la caravane itinérante qui sillonne parfois le marché pour arracher leur marchandise, ils exposent quelques produits et sont la plupart du temps chaussés de tennis pour ne pas être gênés quand il faudra fuir « AWARA ».
Awara c’est ce camion qui accompagne les équipes qui font les contrôles sur le terrain. À sa vue, les petits vendeurs de médicaments installés au bord de la route détalent et vont prévenir les patrons qui ferment leurs magasins aussitôt. On peut trouver toutes les raisons du monde mais une chose est vraie, il y aura toujours plus de clients dans les pharmacies de rue. Le prix accessible est la raison principale de ce choix, mais l’autre raison et pas des moindres est que c’est proche, comment demander à un camerounais qui a à peine de quoi se traiter de chercher de l’argent de taxi pour se rendre dans une pharmacie de garde située très loin de son quartier?
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