Vivre sans œufs
Une situation bien difficile que celle de la grippe aviaire. Entre les bagarres pour les intérêts des uns et des autres, j’ai vécu une scène ces derniers jours et je me pose de nombreuses questions au sujet de notre avenir sans œufs ni poulets.
Il a fallu que je pense à faire un gâteau un jour avant mon anniversaire pour réaliser ce qu’est vraiment une vie, une ville sans les œufs. Deux, trois, quatre, cinq boutiques n’ont pas pu me vendre des œufs. Pourtant, je ne demandais pas une alvéole : juste 4 œufs, et c’était tout. Je ne demandais pas la lune, juste des œufs, mais non ni mon sourire, ni même le prix que j’étais prête à payer si on me l’avait demandé pour l’avoir n’ont arrangé les choses. Toujours la même réponse : « il n’y a pas les œufs ». Et pour ceux qui voulaient enfoncer le couteau dans la plaie : « tu vis ou ? Tu ne sais pas qu’on ne vend plus ni poulet, ni œufs ? ». Je n’avais que mes pauvres pieds couverts de poussière pour rebrousser chemin et rentrer chez moi.
Qui peut me dire ce que nous pouvons faire sans les œufs ? La pâtisserie elle-même repose sur cet élément (les crêpes, les gâteaux, la crème, etc.). Qui ne connait pas le gout des œufs bouillis sur la langue avec un peu de piment ? Qui ne connait pas le gout d’un bon gâteau au yaourt ou au chocolat ? Qui n’a jamais goûté à l’omelette ? L’œuf est incontournable. Pourtant, lors de la précédente épidémie de grippe aviaire, le prix des œufs était passé de 50f pour 3 oeufs à 100f ou 4 œufs à 100f. Aujourd’hui, tout cela a changé.
Une course à moto pour la Mobil Essos m’a finalement permis de les avoir. Après tous ces allers et retours, la fatigue a eu raison de moi et j’ai dû les manger sous forme d’omelette. 14000 œufs cassés devant le Ministère de la pêche et des industries animales n’ont pas suffi pour que la situation s’arrange. Avec cette nouvelle épidémie de grippe aviaire, c’est un véritable manque à gagner pour les éleveurs qui doivent changer d’activité, mais également pour les consommateurs. En effet, l’achat des poulets se fait de bouche à oreille et il faut compter le coût des commissions à l’achat final. Finalement un poulet qui vous aurait coûté 3000 auparavant, coûtera 4500 voire 5000f de nos jours. Pour ce qui est des alvéoles d’œufs, il faut prévoir 1800 à 2000f de nos jours. Comme on dit chez nous « a quelque chose malheur est bien », les poulets importés ont refait surface. Les éleveurs crient au complot et pointent du doigt les autorités en charge de la filière qui auraient des « intérêts » dans le business du poulet « congelé » comme on dit chez nous. Même si ces poulets sont gros et moins chers je dois avouer qu’ils n’ont pas de gout. Ni le djansan, ni le poivre et autres épices ne réussissent à s’infiltrer dans leur chair comme avec celle de nos poulets produits localement. Je ne veux même pas entrer dans les détails en ce qui concerne les effets sur la santé, ce serait trop long.
Et nous sommes en Afrique : savez-vous le nombre de remèdes traditionnels et rituels qui devront disparaître avec ces œufs ? J’imagine que non. Par exemple, il n’existe pas deux façons plus rapides chez nous de se remettre d’une anémie que de faire une mixture à l’œuf cru, de la tomate en boite… Vous connaissez la suite non ? De nombreux vendeurs et médecins traditionnels ne vivent que du commerce et de l’usage de ces œufs. Combien d’emplois seront ainsi supprimés ? Si au moins nous avions appris à manger des œufs de pintades, de canards ou que sais-je encore, le remplacement aurait été immédiat, mais non. Les œufs de caille sont rares et chers et combien d’œufs de caille me faudra-t-il pour me faire une bonne omelette ? Tout d’abord je n’aime pas les œufs de caille, ensuite je ne mange pas les œufs au plat, enfin je fais toujours bien cuire mes aliments. Alors, de grâce, ramenez-moi mon bon vieux poulet et ses œufs.
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