Le rêve américain des populations de Bamenda
Le rêve fait vivre et c’est une citation qui sied bien à chacune de nos vies. C’est parce qu’on a un rêve que l’on se lève chaque jour et on sort pour atteindre notre objectif tôt ou tard.
Les Camerounais sont des rêveurs, mais chaque partie du pays a ses rêves. Les populations francophones de mon pays rêvent de l’Occident et surtout de ces pays francophones où « on vit bien et où il n’y a pas la galère ». Je parle bien sûr des pays comme la France, la Suisse, la Belgique, etc. Je vous épargne des conditions dans lesquelles nous nous y rendons.
Bref chaque francophone a sa « personne en Mbeng », chaque francophone ira un jour en Mbeng(France) parce que « sa tante, son gars, son ami, le neveu de son oncle sont là-bas », il est évident que son tour arrivera. Bamenda fait partie des régions anglophones du pays tout comme Buéa. À mon arrivée et de nos jours, je me rends peu à peu compte que si les francophones ont un rêve français, les anglophones ont un rêve américain.
Il faut voir le tableau qui s’offre à vous quand vous les regardez. Ils sont assis au bar, dans les cyber, dans une cour, une boutique ou un lieu quelconque. Un seul sujet « l’Amérique », ensuite viennent des pays comme l’Angleterre, l’Allemagne, le Canada, etc. Ils accrochent les drapeaux de ces pays dans les taxis, les maisons, les bars, les écrans de téléphones, de tablettes, partout, y en a même qui font des tatouages (et le pauvre drapeau camerounais alors ?).
Ils ne fonctionnent qu’en dollars, livres sterling et pour faire la conversion d’avec nos F Cfa, ils ont déjà le convertisseur en tête. Ils ne correspondent qu’avec des personnes résidant dans ces pays, ils font des cours et ne visitent que des sites web des établissements scolaires de ces pays. Un rêve qui fait d’eux des paresseux qui se lèvent le matin, rêvent, parlent, discutent et respirent l’Amérique sans savoir ce qui se passe à Foncha street (un quartier non loin d’eux). Leur président c’est Barack Obama et l’un des membres de son gouvernement est sans doute notre président de la République.
À Bamenda on connaît Adèle, Alicia Key, Beyonce ou Elton John mieux que Stanley Enow. Cet engouement se justifie, car nombreux sont ceux qui gagnent à la loterie américaine « green card ». Ce sont les tenanciers de cybercafés et les photographes qui se frottent les mains quand arrive la période où les candidats doivent participer. Ils connaissent tous les documents à fournir, les conditions pour être éligible et donnent des conseils aux postulants.
Ici à Bamenda, paraît qu’en décembre, c’est la période où ces gens qui vivent chez les Blancs en Amérique, les « Bush faller » comme ils les appellent ici (en hommage à Bush qui en était le président à une époque), viennent rendre visite à leur famille et faire la fête avec les amis qu’ils ont « laissés au pays ».
Une quête permanente pour traverser et se rendre de l’autre côté que se soit à la nage, à pied, ou par les airs, peu importe ! Cela est devenu un vrai business pour les cybers-café où l’on retrouve des bons et des mauvais comme toujours. Des familles entières en compagnie des enfants postulent chaque année d’octobre à novembre. Les gérants de cyber disent être des pros mais on n’est jamais loin de l’escroquerie. Vous le laissez vous filmer en payant pour la photo et l’heure de connexion pour vous inscrire et vous attendez les résultats en guettant votre boîte email de temps en temps. Avez-vous la garantie qu’il l’a vraiment fait ? Non je ne pense pas.
Faut juste espérer et prier pour que votre nom soit tiré au sort pour voyager.Après commence une suite de rêves ou de cauchemars à propos tellement vous êtes angoissé. D’un autre côté on essaye d’y aller par les réseaux. Pour partir, mes frères deviennent des chrétiens, des homosexuels (dont le Cameroun ne veut pas et qu’il faut protéger), des danseurs, chanteurs, refugiés politiques et que sais-je encore ? C’est bizarre de voir à quel point les familles sont prêtes à s’endetter pour qu’un membre de leur famille s’y rende, mais de constater que quand il faut sauver la vie de quelqu’un ou encore l’aider à faire un petit commerce pour s’en sortir il n’y a jamais d’argent au Cameroun.
À force de les côtoyer, je pense que je ne vais pas tarder à attraper ce virus. Je vais tenter ma chance à la loterie américaine, devenir une « Bush Faller » pourquoi pas ? Ne vous étonnez pas de me voir rédiger désormais mon article en anglais, porter un blouson de cuir aux couleurs de l’Amérique. Je sais que cela sera un parcours du combattant vu mon nom musulman, mais je garde espoir, l’espoir fait vivre, vous ne croyez pas ?
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