Le Coca Aladji

Article : Le Coca Aladji
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20 mai 2013

Le Coca Aladji

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Je n’ai vraiment rien contre mes oncles nordistes en majorité musulmans, mais j’avoue que cette expression a toujours attiré mon attention. Je comprends un peu mieux désormais ce concept de ne pas s’approcher d’un aîné pour le saluer. C’est certes le respect mais je me dis que c’est aussi pour ne pas sentir son haleine s’il a bu.

Vous connaissez l’image du bon croyant musulman avec son boubou, le chapelet en main, sa natte et sa bouilloire ? Et bien moi aussi. J’ai été habituée à ce scénario toute ma vie. Non je dirais la grande majorité de ma vie. Un oncle très sérieux, toujours les yeux entre les lignes des versets coraniques, qui peut vous réciter le contenu sans oublier les signes de ponctuation ? Moi aussi.

Chanter les versets comme ils le font ? Cela m’a toujours dépassé et d’ailleurs ma voix en est la première barrière. Bref le côté croyant que je viens d’énoncer ne concerne que ceux qui viennent du septentrion du pays et une petite partie qui vit en ville. Ces populations ont des habitudes alimentaires bien à elles. En vous rendant chez un « wadjo » comme on aime les appeler chez nous, vous trouverez toujours des dattes, du thé, du café, de la bouillie aux arachides et au riz et quand vous avez de la chance des beignets de riz, humm! Ça vous dit ?

Seulement bien loin de leur Nord, les musulmans qui viennent dans les villes telles Douala ou Yaoundé ont en commun cette boisson surnommée Coca Aladji, et cela n’est pas le fait du hasard. J’ai été surprise  un jour quand me rendant chez un ami musulman de mon père, je me suis rendu compte qu’il faisait des tours aux toilettes et qu’il sentait l’alcool. Musulman et Alcool ? Non ! Je ne  voulais pas y croire. À côté de son tabouret, sur un guéridon il y’avait une bouteille de coca et un verre. Il savourait ce contenu doucement et aucune goutte ne lui échappait.

Profitant de son absence, j’ai bien voulu y gouter (j’avoue je suis  fan de Coca Cola peut être aussi à cause des publicités attractives de cette boisson). Tout d’abord j’ai été étonnée du goût sucré de « son coca », mais bon je ne faisais que goutter. À son retour, il s’est mis à somnoler, et en s’inclinant, j’ai constaté que mon cher oncle avait des sachets de whisky dans les poches de son boubou. Cela expliquait tout ! Sa joie, ses tours aux toilettes, l’odeur de l’alcool et bien sur le goût sucré du coca que je venais de gouter.

Ayant ramassé ces sachets vides pour les lui remettre, il me les a presque arraché des mains en me demandant « où les as-tu pris ? », avant de les remettre dans ces poches discrètement et rapidementJ’avoue que depuis ce jour je sais que cette expression a tout son sens et je sais pourquoi les Aladjis et surtout les « wadjo » adorent le Coca, il dissimule bien le whisky et permet de donner l’illusion aux autres que ce n’est que ce Coca là qu’ils consomment. Ils sont adeptes des boissons noires comme le wisky black, la booster cola, mais toujours une bouteille de Coca à côté pour ne pas attirer l’attention.

Je suis sûre que leur femme le savent mais cachent bien ce jeu. « La religion interdit de boire » me disent souvent certaines d’entre elles. Elles aiment bien le « chaï » une autre variété de café lui aussi noir, mais sans doute en fouillant bien je trouverais l’une d’elle avec ce fameux coca, mais là je pense que ce sera du « Coca Adja » vu que c’est une femme. Alors qui vous a dit que les nordistes ne boivent pas ?

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Commentaires

Alexandre Mbengue
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Toujours les mots pour nous faire sourire de nos réalités et traditions si "flexibles" !!!!! Comme toujours, très bel article !!! Keep it up Salma !!!! ;) (^_*)

salma Amadore
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merci alexandre à ta santé

josianekouagheu
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Tu en as assez? J'aimerai bien goûté à ça Salma. Mais c'est en plus vrai ce que tu dis. J'ai toujours eu un doute sur ces musulmans qui jurent ne pas boire d'alcool. Avec ce billet Salma, je comprends tout...

salma Amadore
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oui j'en ai assez mais je ne veux pas te porter hein Josiane

Serge
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très drôle... ahaha

salma Amadore
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tu l'as dit Serge

Roddy
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Très cool. Voilà le secret du coca cola dehors

PMN
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Vérité ? Seulement il ne s'agit pas seulement des musulmans des villes de Douala et Yaoundé. J'ai été informé qu'au nord, la consommation de boissons alcolisés baisse de façon significative pendant la préiode du ramadan. Question : Pourquoi ce phénomène ? et en plus les snack ont toujours un coin VIP ou l'accès est très réservé

DanielS
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Ma chère Salma,
Veuillez excuser cette entame familière avant d'autoriser un rappel historique sur votre boisson appréciée.
Ce que vous avez goûté dans le verre de votre oncle n'est que le nouveau nom du « Mââzout » fort répandu il y a trente ans.
Je commenterai plus loin l'origine de ce mot.
Le Mââzout était une boisson forte et répandue car simple à fabriquer.
Comme le signalait l'éminent Michael Porter, professeur d'économie à Harvard dans les années 90, il y a peu de « barrière à l'entrée » pour empêcher l'entrée de nouveaux arrivants. Un verre, 2 petites fioles et un glaçon vous font producteur émérite.
Dans une boîte de nuit, un chantier ou un boucarou à l'apéritif il était aisé à produire et à consommer.
Quand vous le baptisez Coca Aladji c'est une tentative de régionalisation de mon Mââzout, une sorte de marketing tribal. Faut-il booster les ventes ? La production aurait-elle chuté ?
Revenons maintenant à l'étymologie de mon Mââzout ; j'ai bien dit étymologie et non éthylologie comme le suggère à tort mon voisin de verre.
Mââzout bien sûr car sa couleur le rapproche de celle du produit pétrolier. Mais Mââzout aussi car il était la seule senteur de l'exploitation d'hydrocarbures dont nos concitoyens pouvaient apprécier l'odeur. Le reste s'évaporait ailleurs.
C'est pourquoi le Mââzout était populaire.
Voilà ce que je pouvais dire dans ce petit commerce épistolaire. Je souhaite que cet échange vous soit aussi bénéfique car comme on dit chez nous, « La commerce sans profitation n'est pas la vraie commerce ».
Bien à vous et à votre santé.

danielS
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Ma chère Salma,

Veuillez excuser cette entame familière avant d'autoriser un rappel historique sur votre boisson appréciée.
Ce que vous avez goûté dans le verre de votre oncle n'est que le nouveau nom du « Mââzout », un liquide fort répandu il y a trente ans.
Je commenterai plus loin l'origine de ce mot.

Le Mââzout était une boisson forte et répandue car simple à fabriquer.
Comme le signalait l'éminent Michael Porter, gourou de l'économie à Harvard dans les années 90, il y a peu de « barrière à l'entrée de ce marché » pour empêcher l'entrée de nouveaux arrivants. Un verre, 2 petites fioles et un glaçon vous font producteur émérite. Les fournisseurs prospéraient donc.
Dans une boîte de nuit, un chantier ou un boucarou à l'apéritif il était aisé à produire et à consommer.

Quand vous le baptisez ce jour Coca Aladji c'est une tentative de régionalisation de mon Mââzout, un geste promotionnel en une sorte de marketing tribal que vous inaugurez. Faut-il booster les ventes ? La production aurait-elle chuté ?

Revenons maintenant à l'étymologie de mon Mââzout ; j'ai bien dit étymologie et non éthylologie comme le suggère à tort mon voisin de verre.
Mââzout bien sûr car sa couleur le rapproche de celle du produit pétrolier. Mais Mââzout aussi car il était une des seules senteurs de l'exploitation d'hydrocarbures dont nos concitoyens pouvaient apprécier l'odeur. Le reste s'évaporait ailleurs.
C'est pourquoi le Mââzout était populaire.

Voilà ce que je pouvais dire dans ce petit commerce épistolaire. Je souhaite que cet échange vous soit aussi bénéfique car comme on dit chez nous, « La commerce sans profitation n'est pas la vraie commerce ».

Bien à vous et à votre santé.