Ici l’humiliation, là-bas l’éducation

Article : Ici l’humiliation, là-bas l’éducation
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18 avril 2013

Ici l’humiliation, là-bas l’éducation

A/salma
A/salma

J’ai fait la découverte de divers coins de Dakar « Patte d’oie », « la Place de l’indépendance », « parcelles assainies », « Yoff », « HML », « Baobab », « Sacrée cœur », « Ouakam », « Liberté », « Pikine », « Al-mady », etc ….le tourisme est un bon exercice pour les yeux j’avoue.

Tous les jours pour déjeuner, nous nous rendons au restaurant de l’université de l’Ucad (Université Cheik Anta Diop). À 12H 30 quand nous prenons la pause, après quatre heures de formation le matin, nous sommes assez affamés et le chemin qui nous y mène n’est pas la porte d’à côté. C’est aussi bien car nous faisons la causette et découvrons des nouveaux mondoblogueurs avec qui ont n’a pas eu l’occasion d’échanger les jours précédents. C’est agréable de savoir que l’on est lu en Guadeloupe, en Ukraine, au Mali, en Guinée, en Allemagne et que nous avons enfin réussi à mettre des visages devant chaque blog.

A/Salma
A/Salma

C’est sans doute parce que je suis parfois affamée que je n’ai pas pris la peine de remarquer que le grand bâtiment que nous traversons tous les jours est une université. L’université de Dakar avec de nombreux étudiants devant le portail qui bavardent. Ils parlent des cours, des professeurs, Wolof, français et sont si fiers de se retrouver là : le temple du savoir. L’université est pour les étudiants, l’espoir d’avoir un emploi stable et de « réussir dans la vie » me dit Ameth, un étudiant. J’ai pu faire un tour au campus et regarder comment se comportent les étudiants.  C’est quand même inexplicable la dualité de la vie. Le mal et le bien, le gentil et le méchant, l’acteur et le chef bandit, l’élève et l’analphabète.

Oui parce qu’à l’opposé de ceux qui sont venus recevoir le savoir dans cette université, derrière la cuisine de cette institution, s’est crée une autre vie. Environ 100 personnes ou plus sont adossées sur les grilles de la cuisine ou sur le mur de la maison d’en face. Ils regardent dans la même direction : la cuisine. Certains ont des bassines, d’autres des bidons dont la partie supérieure a été enlevées pour servir de récipients. Je vois des femmes seules, des femmes avec des enfants et des bébés attachés au dos, des hommes, des garçons, bref tout.

A/Salma
A/Salma

Tous ces récipients sont collectés à travers les grilles du portail et déposés à même le sol et quand l’un des employés sort avec une marmite et se met à les remplir de riz, toutes ces personnes calmes deviennent très agitées. Ils parlent wolof, je ne comprends rien. Seuls les gestes me permettent de voir qu’ils montrent leur récipient et demande à l’employé de ne pas l’oublier et de le remplir. Ceux qui étaient adossés sur le mur se sont levés et rapprochés ce qui crée des bousculades et un brouhaha.

Quand c’est servi, ils ne veulent plus attendre et essayent même de faire passer leur tête à travers les barreaux. En voyant cela je dirais que « ventre affamé n’a point de raison »comment peuvent-ils espérer franchir ces barreaux ainsi ?quand la nourriture leur parvient, pas besoin de chichi, ils plongent les mains dans les récipients et adieu la cuillère et autres couverts de luxe, ils n’ont qu’un but : manger.

En fouillant, j’ai appris que ce sont les restes de repas des étudiants qui mangent au restaurant de l’université qui leur est servi. Les chefs de familles apportent ces récipients à la même heure chaque jour et  une fois qu’ils sont pleins, ils mangent d’abord avant de ramener une quantité à leur famille pour ceux qui en ont. S’ils vivent seuls, cette quantité leur servira de repas du soir et même du lendemain matin. Ces abonnés des restes de nourriture viennent là depuis l’ouverture de l’université. Ce sont des pères de familles, des jeunes sans emploi,  des vieux sans pension. La plupart viennent des campagnes et ont laissé derrière eux des familles qui comptent sur eux et vu qu’ils sont seuls à Dakar « je n’ai pas honte de manger ça, la vie est difficile, cela me permet d’économiser pour envoyer un peu d’argent à ma famille. Je suis loin d’eux et ils ne le savent pas ». C’est  Cissé, un homme âgé de 61 ans qui m’en fait la confidence.

A/Salma
A/Salma

Je n’arrive pas à m’expliquer ce contraste, sur un même lieu des jeunes pleins d’espoir qui vont à l’école et se voient cadre, ministre, docteur mais jamais comme ceux qui sont assis là. Et oui assis là, derrière leur université, des personnes qui  n’ont plus d’espoir et c’est à peine s’ils se souviennent qu’ils ont occupé les bancs d’une institution académique un jour et qu’ils avaient eux aussi, les mêmes rêves. La vie en a décidé autrement, je quitte ce lieu vite fait, ils ne veulent pas que je prenne une photo d’eux.

 

 

 

 

 

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Commentaires

Alexandre Mbengue
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Triste réalité.... vraiment dommage qu'un tel déphasage soit aussi perceptible et criard... Courage à toi Salma !!!

Emile Bela
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Je suis venu. J'ai lu. J'ai aimé.
Courage!

Serge
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Salma je te félicite pour ta sensibilité,
ici au Brésil, le restaurant universitaire est gratuit, on mange à notre faim, et chaque jour 80 kilos d'aliments sont mis à la poubelle...

c'est horrible!

salma Amadore
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oui serge vraiment horrible

Mylène
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Très émouvant. Je les ai vus aussi, le premier jour. Je ne comprenais pas pourquoi ces personnes étaient là, mangeaient là. Et je ne sais plus qui m'a expliqué... Tu as bien décrit tout cela, avec les bons mots, les bonnes questions.

Salma Amadore
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merci mylène

Aphtal CISSE
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MA copine, donc photo tu prenais le jour là, c'était pour cet article? C'est super quand même! Mais je dois avouer que ta discrétion ta valu la vie sauve sinon, ils n'auraient pas hésiter à t'agresser, en te voyant les photographier! C'est triste, et le contraste que tu soulignes est saisissant!
Cool!

Salma Amadore
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oui aphtal heureusement que vous arriviez j'en ai profité

William Bayiha
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Le spectacle de l'Ucad m'a tétanisé. C'est fou ce qu'on peut voir. Mais c'est ainsi la société. N'oublions jamais que lorsque nous mangeons, il y a quelqu'un se satisferait seulement de nos miettes. Merci salma.

Salma Amadore
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je suis d'accord avec toi will

Boukari Ouédraogo
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Effectivement c'était les restes que ces gars mangeaient. Quand tu les voyais trier les os, les arretes... Dieu seul sait..

nathyk
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Billet très touchant. Vraiment !

Ives De Landry BANDAMISSI
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Merci Salma pour cette lecture édifiante que tu nous offre. C'est vrai que le voyage est la plus grande bibliothèque du monde.

Rowyy2
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J'avè lè larm o yeux en te lisant. Des pères de famiy, des gens du 3ème âges qui trouvent leur pitance ds les restes de nouritur.... tu ne pe pa sawr à kel pt xa me fè mal!!! Ds ce genre de circonstance j'aimerai pouvoir me dupliké pour atténuer ce genre de misère.