Femmes et filles élevez vos voix
J’assiste depuis trois jours déjà à la 6e conférence sur les droits en matière de santé sexuelle. Cette rencontre qui a lieu du 3 au 7 février au Palais des congrès de Yaoundé, réunit des représentants de diverses organisations nationales et internationales qui œuvrent pour le bien-être des filles et des femmes.
C’est un panel de spécialistes en la matière qui viennent du Nigeria, du Niger, d’Ouganda, du Burundi, Cameroun, Rca, Tchad, Sénégal, Niger, Ghana, l’Australie, le Kenya, le Zimbabwe, la Zambie, les Etats-Unis, la France. Il est question d’ « éliminer les vulnérabilités des femmes et des filles à la santé sexuelle et reproductive en Afrique ».
Bon pas besoin de vous dire comment une conférence de ce genre se déroule, vous le savez. Je veux vous parler de Mariama. C’est la fête de la jeunesse le 11 février au Cameroun, Mariama est jeune elle a 16 ans. On a célébré la journée mondiale contre les mutilations génitales, Mariama a subi une violence plutôt. On va célébrer toujours ce même mois de février la fête des amoureux, Mariama n’a pas d’amoureux, mais a un enfant, bizarre non ? En mars, le 8 on célèbrera également la journée internationale de la femme, Mariama est appelée à devenir une femme et toutes les femmes devraient s’indigner de ce qu’elle a subi.
Je fais la connaissance de Mariama le premier jour à la conférence dans le hall réservé aux différentes présentations. J’avoue que même vous l’auriez remarquée avec son pagne qui couvre les orteils et celui qui couvre son visage. Ça on le remarque vite vu comment les gens s’habillent quand ils vont à une conférence.
Le deuxième jour ce qui attire encore mon attention, c’est lorsqu’elle éclate en sanglots au restaurant. Mariama pleurait et il n’y avait que la délégation venue avec elle du Niger qui pouvait nous dire ce qui se passait. Mariama était triste, car c’était la première fois qu’elle quittait son pays et tout ce qu’on pouvait dire ne pouvait faire sécher les larmes du volcan qui sommeillait au fond d’elle. Ce volcan était entré en éruption ce jour-là, il fallait que les larves sortent.
C’est le mercredi que j’ai pu savoir ce que je vais vous narrer.
Mariama vient du Niger et parle Haoussa. Elle a décidé d’assister à la conférence pour faire son témoignage et inviter les autorités compétentes à « lutter avec moi pour qu’aucune fille ne subisse ce que j’ai subi ».
Lorsqu’elle avait 13 ans, un jour sur le chemin du retour à la maison, elle rencontre le nommé Moubarak. Il l’interpelle et lui demande de l’emmener chez elle, elle refuse. Par la suite il la suit et retrouve sa maison avec le concours des amis de Mariama. Elle en colère gronde ses amis. Les jours suivants ils se rencontrent souvent et se saluent. Un jour, Moubarak l’invite à prendre du thé chez lui. Elle accepte l’offre et boit du thé. Elle vide la tasse et se rend compte qu’elle a perdu ses forces et s’endort. À son réveil, couvert de sang, elle se rhabille et se rend chez sa grande sœur pour lui faire part de la situation. Sa grande sœur la rue de coups. Après un long moment de pleurs, elle décide de rentrer. Une fois à la maison, elle fait sa toilette, se change et ne dit rien à ses parents tellement elle a peur de leur réaction.
Les jours passent et Mariama ne se rend pas compte que son corps change. Un jour elle a tellement mal que sa mère décide de l’emmener à l’hôpital. C’est à ce moment qu’elle apprend qu’elle est enceinte de trois mois. De retour à la maison et tout au long du trajet, sa mère la couvre d’injures aussi dénigrantes les unes que les autres. Elle la frappe et apprend la nouvelle a son père qui fait de même et avec le village, la considère comme persona non grata. Elle leur raconte ce qui s’est passé et le père demande à rencontrer Moubarak. Ce dernier reconnaît les faits et est traduit devant les tribunaux. Il purge une peine de 7 mois en prison et est relâché quand l’enfant naît. Moubarak sous la pression de l’Etat, signe un engagement qui exige qu’il doit verser 10 000F chaque mois à Mariama pour l’enfant. Il verse la somme conclue pendant 6 mois et disparait. La famille de Mariama la rejette. Elle n’avait pas droit au repas et était isolée. Elle décide de chercher du travail en ville comme bonne et les jours où elle ne trouvait pas de travail, elle ramassait du bois en brousse et revendait pour se nourrir ainsi que son enfant.
Après quelques mois le père de Mariama revient la voir et décide de la soutenir mais lui demande d’aller rester dans un autre village. Une fois dans le village, elle fait la rencontre d’une dame qui travaille au Fnuap. Cette dame s’occupe de sa scolarité et de tous ses besoins. Entre temps, la famille de Moubarak réapparaît et émet le vœu de prendre l’enfant de Mariama pour s’en occuper. Ce que la jeune fille refuse. Mariama ne va pas en cours ce jour-là, s’enfuit avec son enfant et va cacher la petite chez sa grande sœur aînée qui vit dans un village éloigné de celui de leurs parents.
Aujourd’hui Mariama est en classe de 5e et sa fille a 2 ans. Elle a décidé de venir faire ce témoignage pour que cela cesse. « Je veux qu’aucune fille ne subisse ce que j’ai subi et je veux que vous m’aidiez à soutenir cette cause ».
Après ça, j’ai compris pourquoi elle pleurait ce jour-là.
Elle a reçu des félicitations de toutes les personnes présentes dans la salle et elle est désormais engagée dans cette lutte. Et vous, pour quelle cause serez-vous un leader pour vos filles, pour vos femmes.
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