Entretien avec un ange… (Part II)

16 septembre 2012

Entretien avec un ange… (Part II)

 

Comment devient-on le petit ami d’une prostituée ? À cette question Pygmée éclate de rire. C’est une travailleuse de sexe qui porte ce surnom à cause de sa petite taille. C’est une fille au teint clair avec des cheveux coiffés en forme de crête de couleur châtain. Pygmée est ouverte et souriante, je lui offre un pot qu’elle prend avec les deux mains, ce qui m’étonne beaucoup. Elle me répond en s’asseyant: « en devenant un client régulier, sérieux, qui me donne de l’argent ou un pot même sans avoir eu des rapports sexuels avec moi et enfin en étant celui avec qui je ressens du plaisir ». Je lui demande s’il apprécie ce travail elle répond par la négative et poursuit. « Mais il n’a pas le choix car lui aussi est un débrouillard », au fur à mesure elle me raconte le film de sa vie.

« J’ai 22 ans et je fais ce boulot depuis deux ans. J’ai toujours été ici à Nkwen. Je suis enfant unique à mes parents qui sont divorcés. Ma mère est une agricultrice et mon père est un chômeur. J’ai une fille que j’ai eue quand j’avais 17 ans et qui est actuellement avec ma tante. Le père de mon enfant a fui quand il a su que j’étais enceinte, et ma tante, avec qui je vivais à cette époque m’a mise à la porte quand elle l’a su. Je me suis réfugié chez un ami qui me forçait à avoir des rapports sexuels avec lui en échange de mon hébergement, et c’était ainsi chez chaque garçon qui m’offrait l’hospitalité. J’ai travaillé chez de nombreuses personnes qui ne m’ont jamais ou mal payé. Lasse de me faire escroquer, j’ai décidé de faire un tour dehors un soir pour déstresser. J’ai fait la connaissance d’un homme qui m’a donné de l’argent après la soirée passée ensemble. J’y ai pris goût et j’étais dehors chaque soir. Au début la petite pleurait quand je partais mais elle s’est finalement habituée et après mon départ quand elle avait faim elle mangeait toute seule et s’endormait. Un soir, une de mes tantes est venue, a entendu la petite pleurer à l’intérieur, a toqué à ma porte et a constaté que je n’étais pas là. Mes voisins lui ont dit que c’était mon habitude et elle est allée tout raconter à mes parents et au village. Elle est revenue prendre la petite et j’ai déménagé pour venir m’installer à Nkwen car une fille m’a dit qu’ici les clients payent mieux. Nous avons vécu en colocation pendant un mois avant que je n’obtienne ma propre chambre. Les autres filles m’ont menacé au début et aussi les clients se faisaient rares si bien que je me demandais certains soirs comment j’allais payer mon loyer le lendemain. La situation s’est améliorée au fur et à mesure et aujourd’hui je réussi à économiser et à m’occuper de ma famille. »

 

Nous sommes interrompues par le vendeur de CD qui est venu lui donner sa commande spéciale « des films classés X ».Elle récupère ses CDs en souriant l’air un peu gênée. Elle poursuit « je peux avoir sept à quinze clients chaque soir. Mon gain peut atteindre 15000FCFA mais parfois il n’équivaut pas au nombre de clients car certains me donnent des pourboires. La passe normale coûte 1000F, pour la prolongation c’est 1000F de plus chaque quart d’heure. La nuit à mes côtés est négociable de 7 à 10 000FCFA, pour toucher mes seins ou me caresser 500f, pour les sucer 1000F, pour une sucette ou des positions acrobatiques c’est 2000F. L’ambiance ici est conviviale mais il arrive parfois que ça chauffe entre les filles quand l’une d’elle a été absente et que son client s’est abonné chez une autre ». Et les mots doux ? « Tout dépend du client, quand il demande ou quand c’est la première fois pour détendre l’atmosphère, je peux lui murmurer quelque chose mais pas très longtemps car je joue sur l’heure ». Je lui demande si elle a des limites et elle me dit « oui je n’irais jamais avec une fille ou encore avec les animaux. Même si on te propose beaucoup d’argent ? « Non ! D’ailleurs je compte changer de métier bientôt parce que je sais que ce que je fais n’est pas bien. Et je pense déjà au mariage car mon petit ami m’a promis de me sortir d’ici ».

Nous nous séparons car elle a sommeil et c’est bientôt l’heure de pointe.  J’apprends que l’une d’elles est séropositive et qu’elle a décidé de se chausser quelque soit le client. Le seul hic est qu’elle refuse de suivre son traitement  et n’a pas encore trouvé le courage de le dire à son partenaire. À minuit, ces cendrillons de la journée deviennent des anges de la nuit qui n’ont pas besoins de lampadaires pour se faire repérer tellement leur habits sont scintillants. Que dire ? Des vampires assoiffées d’alcool et surtout mangeuses d’hommes avides de plaisirs éphémères, de sensations fortes uniques ou régulières et surtout du « ni vu, ni connu ».

Ces anges de la nuit ont des pratiques différentes d’une ville à l’autre. A Ebolowa  on les trouve au carrefour Tamzou, dans les bars ou dans certains couloirs. J’y avais rencontré  Elodie, une femme de 38 ans qui avait accepté de me parler de son métier. Dans cette ville, la plupart des passes se fait sur les cartons installés dans ces couloirs, car elles sont pour la plupart des mères de famille vivant avec leurs gosses. La passe coûte 2000F CFA l’heure, et si le client décide d’aller à l’auberge c’est lui qui s’occupe des frais. Pour une nuit il faut débourser de 10 à 15000F c’est négociable. Elles payent 200f pour le carton et 1000f chaque semaine au gardien qui joue le garde du corps en soirée. Généralement après un client elles se servent des lingettes pour se nettoyer ou d’une bouteille d’eau quand elles n’ont pas utilisé le préservatif. Elles redynamisent l’élasticité de leur vagin par un lavage à l’aide d’une potion faite d’un mixage d’écorces et de poudre dont je préfère m’abstenir de parler ici, et se servent des deux faces du carton avant de le changer s’il a été mouillé ou abîmé. Elles ont de très bonnes relations avec les hommes en tenue et les autorités de la ville, ce qui leur ouvre certaines portes. Certaines ont des limites quant à certaines pratiques, d’autres pas et le font avec des personnes du même sexe ou des animaux. Il suffit de mettre le paquet. Que ce soit dans la rue, les maisons closes ou les bars, toujours est-il que l’arrivée de nouvelles et même des hommes dans le circuit amenuisent leur champ d’action. Nombreuses sont celles qui désormais se font vieilles et veulent changer de couloir pour une activité commerciale.

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Commentaires

francis
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métier pas facile du tout! bcp trop de risques..