Entretien avec un ange…(part I)
Bamenda, comme tant d’autres villes du pays regorgent de points chauds où les habitants de la ville habitués viennent se faire plaisir une fois la nuit tombée. Mes promenades à travers la ville m’emmènent à faire des rencontres parmi lesquelles les travailleuses de sexe. C’est au lieu dit « mobil Nkwen » que je fais leur rencontre et nous échangeons le temps de vider une bouteille de bière. J’apprends tout d’abord que c’était le lieu dit « Ghana street » qui était leur fief, mais qu’une histoire que je qualifierais de malédiction, les a emmené à se disperser. Là bas il y avait un homme tenancier des chambres qu’elles habitaient et toutes ces filles lui reversaient l’argent de leur labeur. Mais cet homme malhonnête ne le leur rendait jamais quand l’une d’elle venait à le réclamer. Un incendie dont on ignore la provenance avait réduit cette concession de plaisir en cendres et on n’avait plus jamais entendu parler de lui.
Une fois à la Mobil Nkwen, c’est une terrasse qui s’offre à vous à l’extérieur avec une enseigne où l’on peut lire « One +one spirit cabaret ». L’intérieur est meublé de chaises de couleur rouge et des lumières multicolores à la fluorescence douce pour ne pas dévisager les clients. Une autre porte donne accès aux toilettes et aux différentes chambres une quinzaine environ. Elles déboursent 3000Fcfa quotidiennement pour leur loyer. Le concierge passe récupérer l’argent chaque matin et c’est aussi lui qui joue le président du tribunal quand il y a un litige entre elles. Ces chambres sont déjà équipées d’un matelas, une cuisinière à gaz, une table, des toilettes et rares sont celles qui ont des téléviseurs. Quand il arrive que deux d’entre elles veulent être des colocataires, alors elles payent 1750 chacune chaque jour.
Rosanne la coiffeuse
C’est dans l’obscurité que se passe notre interview car elle ne veut pas se faire voir des autres filles, qui peuvent se faire curieuses ou nous interrompre. Il lui faut avaler une gorgée de bière pour commencer son histoire. Rosanne est née à Kumbo. Sa maman était mariée avec un monsieur qu’elle considérait comme son géniteur, mais dont la méchanceté à son égard lui a fait poser des questions à sa maman. « Elle m’a dit que ce n’est pas mon père et j’ai compris pourquoi son comportement était différent. Après le CE1, l’école est devenue difficile pour moi car avec les problèmes avec mes sœurs je n’arrivais plus à apprendre. Je me suis mise à apprendre la couture et au bout d’un an je suis tombée enceinte, à 15ans ». Elle s’arrête et me regarde longuement avant de continuer. «Ma patronne m’a dit que vu mon état je ne pouvais continuer mon apprentissage. Je suis restée à la maison et fatiguée des problèmes avec ma mère, je suis partie rejoindre ma grand-mère. J’ai passée trois ans à la maison à m’occuper de ma fille puis un jour son père est venu me dire qu’il désirait la prendre et qu’il ne m’avait jamais parlé de mariage, vu ma condition je lui ai remis l’enfant. Je me suis battue en faisant des petits jobs pour m’en sortir puis j’ai rencontré un homme qui me disait qu’il m’aimait, qu’il voulait m’épouser, je suis tombée enceinte et lui a fuit. J’ai recommencé à mener une vie difficile. Je n’avais rien à manger et la petite pleurait tout le temps parce qu’elle avait faim. J’ai commencé à sortir la nuit pour rencontrer des hommes: cela était bizarre au début puis je me suis habituée. L’argent que je rapportais me permettait de m’occuper d’elle. Puis j’ai appris par une amie qu’à Bafoussam cela rapportait plus, et en plus j’avais peur que l’on raconte ma vie à ma grand-mère. Je lui ai dit que j’y allais pour faire la coiffure, j’envoyais de l’argent chaque semaine et j’allais les voir quand je pouvais. J’ai rencontré un homme qui m’aimait aussi et je suis tombée enceinte, puis j’ai découvert que c’était un bandit, on l’a incarcéré, et sa famille est venue chercher ma troisième fille et ils l’ont emmené à Yaoundé ».
Elle s’arrête et boit et moi je la regarde de près et remarque qu’elle est enceinte et j’apprends que c’est le quatrième, « je veux un garçon me dit-elle ». Puis elle continue « je suis ici depuis un an et je change parfois de ville je vais à Kumbo, Bafoussam, etc. j’y ai des clients réguliers ». Elle m’apprend qu’une passe coute 1000F pour trente minutes et il faudra ajouter 1000F chaque trente minutes. Si l’envie lui passe de palper les seins, il devra s’acquitter de la somme de 500FCFA en plus, et pour une nuit entière les négociations se font de 7 000F à 10 000F.
Côté hygiène elle exige la capote mais si le client refuse elle accepte mais trouve le temps d’aller insérer le condom féminin comme ça cela passe inaperçu. Elle me dit qu’elle utilise systématiquement le préservatif mais remarque mon regard sur son ventre et me dit en riant « sauf quand je veux un enfant ». Elle se lave deux fois par jour et après une passe, se remaquille et rince ses parties intimes. Quand elle avait une colocataire, il leur arrivait de recevoir leurs clients dans leur chambre en même temps. Quand elle a ses menstrues, il lui suffit d’insérer profondément une boule de coton dans son vagin après chaque passe pour pouvoir travailler. Elle a eu des infections sexuellement transmissible deux fois et a arrêté de fumer parce qu’elle est enceinte.
Le jour, elle passe son temps libre à la cuisine, au salon de coiffure pour se refaire une beauté, devant les revues pornographiques et à dormir car il faut bien qu’elle récupère pour être en forme le soir venu. J’apprends qu’elle prend souvent des vacances pour aller voir ses enfants et qu’elle met un peu d’argent de côté chaque semaine pour pouvoir ouvrir son salon bientôt. Son téléphone sonne, elle vide sa boisson à la trompette et me dit au revoir avant de me quitter.
Vous vous demandez sans doute qui appelait ?
Eh bien, son petit ami.
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